Vivre-ensemble sécure
Le vivre-ensemble au sein d’une société constitue un réel pilier du sentiment de sécurité. Afin de le promouvoir, il s’agit de mettre en place des politiques d’aménagement de l’espace public afin de s’assurer d’un partage responsable des espaces. Sur ces espaces, des politiques doivent être mises en œuvre afin de prévenir et d’empêcher les atteintes aux personnes et aux biens. Aujourd’hui, un point d’attention particulier concerne la détection de situations polarisantes, responsables en partie de la montée des extrémismes, incompatibles avec toute forme de vivre-ensemble.
Polarisation
1° Introduction
La polarisation est une construction mentale, un modèle de pensée, une dynamique d’idées entre « Eux » et « Nous ». La création d’oppositions chargées de significations positives ou négatives renforce la polarisation et insistent sur la différence identitaire de l’Autre. Il s’agit d’un phénomène social habituel/humain qui n’est pas toujours négatif mais engendre dans certains cas, des conséquences nocives et pratiquement irréversibles pour la cohésion sociale. La polarisation constitue une des menaces majeures pour la sécurité en société car les situations polarisantes mènent à la constitution d’un schéma excluant “eux >< nous”. Ces situations doivent être diagnostiquées et traitées afin d’éviter les risques d’une radicalisation des positions, et la montée des extrémismes violents rendant impossible le vivre-ensemble.
Les évènements tragiques de 2015, ont placé les professionnels de la sécurité face à un constat sans équivoque : le manque de cohésion sociale peut mener un individu à commettre un acte à ambition terrorisante à l’encontre de l’ensemble de la société dans laquelle il a grandi. Au départ concentrées sur l’idéologie religieuse de Daesh, les recherches sur les mouvements extrémistes ont évolué afin de prendre de la hauteur sur un phénomène qui n’est manifestement pas la conséquence d’une religion, mais bien de divers manques à combler au sein notamment des politiques de sécurité. De nouvelles approches considèrent la prévention des situations polarisantes comme un nouveau départ, permettant d’être en concordance avec la montée des multiples tensions entre les groupes sociaux qui constituent la société et créent des dynamiques de camps polarisés.
L’approche par la polarisation sociale (et non plus la “radicalisation”, alors trop connotée dans l’imaginaire collectif à la radicalisation religieuse de Daesh) élargit le spectre et évite un maximum la stigmatisation, moteur de situations polarisantes. Les actions interviennent alors dans divers domaines, avec divers publics et de multiples objectifs comme l’amélioration du vivre ensemble, l’amélioration de l’intégration et du sentiment d’inclusion, le partage responsable de l’espace public, le dialogue sur les coutumes et la culture, etc.
La prévention de la polarisation sociale demande une approche “transversale”. La mise en réseau des acteurs joue alors un rôle majeur mais les membres sont des personnes ayant leurs propres croyances et visions, ce qui doit être dorénavant considéré comme un atout afin de développer une opération uniforme et une stratégie globale.
Une question empirique pertinente se pose : “Quel fond commun entre la police, les métiers urbains, et la sécurité civile pour travailler suivant une transversalité intermétiers pour le vivre ensemble sécure, et plus particulièrement pour la prise en charge des situations de polarisation ? “
En effet, les principaux enjeux identifiés dans l’élaboration d’une stratégie transversale de prévention de la polarisation sont les suivants :
- Tenir compte de l’impact de la cohésion sociale sur la sécurité urbaine et la prévention des extrémismes
- Ce que l’on nomme “radicalisation” n’a ni couleur, ni politique, ni religion de prédilection, et se présente comme l’une des conséquences de la polarisation
- Besoin de limiter la stigmatisation et de promouvoir l’inclusion sociale en générale et l’inclusion de la jeunesse en particulier (“les discours discriminatoires d’exclusion et d’intolérance nourrissant la polarisation, la radicalisation et l’extrémisme violent”, Manifeste 2017 EFUS)
- Tenir compte du rôle majeur des politiques et des médias dans la formation des camps polarisés
- Tenir compte de l’augmentation exponentielle de l’utilisation des médias et réseaux sociaux numériques
- Tenir compte de l’impact de l’isolement vécu par détenus et des liens évidents entre polarisation et peine privative de liberté
2° Présentation de pratiques prometteuses
Les villes et communes belges développent leur propre politique locale de prévention, de sécurité et de cohésion sociale. En tant qu’organisation à but non lucratif au service des collectivités locales, BeFUS asbl facilite la coopération, le soutien et l’inspiration dans la lutte contre les phénomènes liés à la sécurité et le déploiement de méthodologies innovantes.
Parmi le nombre important de pratiques prometteuses qui ont été élaborées, encouragées ou promues par le BeFUS asbl depuis 25 ans, nous souhaitons en présenter certaines qui ont eu un rôle majeur dans la stratégie de prévention de la polarisation sociale. Ces pratiques ont été mises en place avec l’objectif général d’améliorer le vivre ensemble et l’objectif particulier de prévenir la polarisation sociale et l’une de ses conséquences, la radicalisation.
Ces pratiques se distinguent volontairement des pratiques élaborées suite aux attentats de 2015, orientées vers un public et une idéologie en particulier (par exemple, le BeFUS a lancé en 2014, le Réseau intersectoriel “Prévention de la radicalisation violente liée aux départs en Syrie” afin de promouvoir et d’échanger les pratiques (indices de vigilance, témoignages, accompagnements des familles,…) entre professionnels des services communaux de prévention de la criminalité, zones de police locale, police fédérale, OCAM, maisons de justice, parquet, aide à la jeunesse, … ). Autre exemple en 2015 avec la pièce de théâtre “Djihad “ réalisée par le Centre Bruxellois d’Action Interculturelle avec la diffusion d’un dossier pédagogique pour les jeunes.
Le BeFUS, vecteur de transversalité, n’a cessé de promouvoir des actions proposant une approche globale et transversale.
Comme par exemple, en 2019 avec le cycle de formations et de sessions de sensibilisation du BeFUS asbl : “Polarisation et dynamique de la pensée eux<>nous”. Dans ce cadre, deux rencontres nationales sont également organisées par le BeFUS (en partenariat avec BPS et le SPF intérieur) afin de rassembler les Bourgmestres des communes belges et leurs collaborateurs (échevins, chefs de cabinet, secrétaire communal/directeur général). Ces deux rencontres, les sessions de sensibilisation ainsi que les 12 modules de formation à destination des professionnels de terrain ont été animées suivant le modèle de Bart BRANDSMA (Inside Polarisation), philosophe et auteur de plusieurs ouvrages sur la question. L’objectif est d’accompagner les professionnels et de développer une stratégie et des outils de lutte contre la polarisation au niveau local. Les sessions de formation proposaient un cadrage théorique basé sur le modèle de Brandsma (trois lois fondamentales de la polarisation, cinq rôles dans la polarisation, relation entre polarisation et conflit, cohésion sociale, …) ainsi que de l’intervision sur des cas concrets vécus par les professionnels au niveau local (rapport de mission rendu à BPS).
En 2021, BeFUS a organisé le troisième cycle de formation et de sensibilisation. Celui-ci était spécifiquement destiné aux acteurs de terrain et à leurs coordinations. L’objectif était de les accompagner et de développer une stratégie et des outils de lutte contre la polarisation au niveau local.
Cette série d’ateliers a permis de renforcer les stratégies politiques locales contre la polarisation en activant l’intelligence collective belge afin de lutter de façon transversale contre la polarisation sociale.
En 2022, BeFUS réitère cela avec un quatrième cycle de formation et d’ateliers participatifs. Celui-ci avait pour but d’ajouter une dimension supplémentaire, la dimension virtuelle (polarisation en ligne et les fake news polarisantes) en partant d’un plan d’action regroupant les acquis des précédents cycles.
La toxicité était « normale » sur internet mais on constate qu’elle a triplé en 5 ans. On se rend compte que la polarisation en ligne a des effets bien réels. Dans la période phare de la crise sanitaire, seulement 5 % de la désinformation sur le Covid a été retirée des réseaux. Ce qui est très peu. En résumé, la désinformation consiste généralement à fournir des informations délibérément trompeuses dans le but de perturber le débat public, les processus démocratiques, etc.
Nous nous concentrons donc sur la désinformation, qui peut mener à la polarisation ou au “discours de haine”. Celle-ci se propage sur les médias sociaux à travers les algorithmes, les comptes individuels (influenceurs), les stratégies de communication etc. Pour s’armer contre les Fake News, il est conseiller de sensibiliser l’opinion publique en arrêtant la propagation.
Il est donc important d’avoir une stratégie. Pourquoi ? Les discussions hostiles sur les médias sociaux peuvent être l’expression, voire la cause, d’une polarisation toxique. Gardez donc votre espace en ligne sûr et constructif. Avec une politique, vous pouvez éviter la polarisation et avoir un effet préventif. Dans cet optique, l’institut Hannah Arendt a rédigé une fiche sur comment créer une politique/stratégie pour les réseaux/média sociaux.
3° Conclusion
Le BeFUS asbl offre la possibilité de relever des défis sensibles/nouveaux/(ré)émergents et de s’appuyer sur l’expertise déjà acquise dans ce domaine. Un constat au niveau européen souligne que les restrictions budgétaires pour les actions sociales, l’augmentation du chômage des jeunes, l’augmentation de la migration, la montée des mobilisations extrémistes ou la diminution de la confiance envers les institutions publiques, … ont conduit à une polarisation accrue de nos sociétés (Manifeste EFUS 2017).
En 2019, le BeFUS a participé à la transmission d’un modèle d’analyse de la polarisation qui mettait en évidence les trois lois générales de la polarisation :
- La polarisation est une construction mentale, un modèle de pensée, d’idées entre « Eux » et « Nous ».
- La polarisation a besoin de carburant (comme par exemple les stéréotypes, les préjugés, la stigmatisation, …) auquel chacun est susceptible de participer.
- La polarisation est une dynamique émotionnelle et irrationnelle.
Le phénomène de polarisation, même s’il n’est pas toujours négatif, est un obstacle au vivre-ensemble. Cela nécessite une approche professionnelle particulièrement globale et intersectorielle, liée à la complexité des différents processus qui s’y rapporte. C’est pourquoi, aujourd’hui, en 2021, nous souhaitons insister sur la nécessité de soutien aux actions qui proposent une approche transversale.
Les services communaux de prévention sont mis en avant comme un acteur pivot de cette transversalité. Par leur proximité avec les citoyens, leur connaissance des enjeux locaux et leurs compétences en matière de politiques publiques de prévention de la délinquance et de cohésion sociale, les autorités locales et régionales sont stratégiquement bien placées pour mettre en œuvre des actions impactantes et mobiliser l’ensemble des acteurs concernés. Face à l’extrémisme violent, il est indispensable d’agir de manière préventive, en complément des réponses répressives qui ne suffisent pas. De fait, la polarisation sociale étant un phénomène de plus en plus prégnant à l’échelon local, elle engendre une dynamique sociale dans laquelle les Bourgmestres ont un rôle crucial à jouer. Construire des ponts et forger des compromis entre les citoyens permet de renforcer la résilience des individus et des groupes face aux risques de radicalisation et d’éviter le développement de rapports conflictuels « Eux<>Nous » à l’échelle d’un quartier ou d’une commune.
Les principaux défis à relever relatifs à la polarisation et afin de développer un travail transversal et collaboratif de prévention de la polarisation sont :
- La communication sur la coopération doit être beaucoup plus positive ou du moins plus constructive (pour un “journalisme constructif”).
- Le développement d’une solidarité civique, d’un esprit de communauté (et de l’esprit critique) qui permet la résilience et une lecture plus objective de l’information.
- Une attention particulière portée aux discours de haine. La polarisation croissante (aussi durant le confinement) en particulier sur les médias sociaux et autres forums en ligne, entraîne une convergence d’opinions et de langage. Il semble de moins en moins facile de parvenir à un débat citoyen constructif.
- Lutter contre la désinformation qui ouvre la voie propice aux théories du complot.
- L’investissement dans la “Community Policing” plutôt que dans la police “réactive”. L’érosion du soutien de la communauté pour les mesures et réglementations de sécurité dans le domaine public entraîne une plus grande agressivité envers les forces de police et les superviseurs, renforcée encore lors du deuxième confinement national de la crise sanitaire actuelle.
- La crise affecte le lien avec les institutions sociales. L’éloignement du jeune avec l’école, la famille, les clubs sportifs, les centres socioculturels, … entraîne auprès d’eux, une perte de confiance en un état constitutionnel démocratique.
- COVID-19 : ennui et aversion pour les restrictions / frustrations et rébellion contre les mesures / rationalité et légitimité des mesures peu claires à non-conformité
- Perte de structure et de routine ; moins de prise pour les jeunes et moins de certitude quant à leur avenir
- Les collectivités locales, les services de prévention, … sont à la recherche de nouvelles orientations ; le dialogue et le débat entre les experts, les professionnels, les universitaires, les décideurs, … sont nécessaires pour trouver l’inspiration ; la construction de la légitimité par le dialogue et l’écoute des gens parce que la dissuasion ne fonctionne pas (plus) ; c’est une question d’organisations et d’institutions et pas seulement de quelques individus à le changement commence souvent par quelques individus.
- Créativité / expérimentation / coopération / également orientée vers la structure au lieu d’être uniquement orientée vers les phénomènes / orientation vers le voisinage.
La pandémie du Covid-19 est une crise sans précédent dont les conséquences s’étendent à presque tous les secteurs de la société. Alors que de nombreuses actions, promues par les autorités locales, ont pour objectif de stimuler la cohésion sociale via la rencontre d’acteurs, soudain, nous nous retrouvons dans un contexte où tout est fait pour empêcher les gens d’avoir des contacts sociaux. Cette situation paradoxale crée de l’incertitude, de la peur, du désespoir et de la frustration (par exemple, la société civile signale une augmentation des discours de haine et des violences discriminatoires envers les migrants, les usagers de drogues, les sans domicile fixe, et d’autres groupes vulnérables mais également l’augmentation de la désinformation et la montée des discours complotistes).
Les collectivités locales sont confrontées à de nouveaux défis majeurs (accumulation de frustration, d’ennui, de pauvreté et de problèmes socio-économiques …) et la nécessité de développer une société inclusive (qui semble plus éloignée que jamais), se confirme en priorité pour faire face à la crise actuelle. En effet, la meilleure façon de lutter contre la montée des discours de haine est de diffuser des d’informations valables et vérifiées, et de se concentrer sur des discours alternatifs et inclusifs.
Au cœur de la gestion de crise, c’est le retour à de nouvelles initiatives partenariales et formes de solidarité qui permettra de lutter contre les frictions polarisantes.
La polarisation constitue une des menaces majeures pour la sécurité en société. En effet, les situations polarisantes menant à la constitution d’un schéma excluant “eux >< nous” doivent être diagnostiquées et traitées afin d’éviter les risques d’une radicalisation des positions, et la montée des extrémismes violents.
Atteintes aux personnes
Les atteintes aux personnes rassemblent l’ensemble des conflits et des violences interpersonnelles, les différentes formes de discriminations et de harcèlement, ainsi que le trafic des êtres humains. En voyez-vous d’autres ? Donnez votre avis ici !
Atteintes aux biens
Les atteintes aux biens renvoient notamment au vandalisme, aux différents types de vols et à la cybercriminalité, en perpétuelle évolution au sein de nos sociétés 2.0.
Espace Public
L’espace public contient des espaces favorables au partage, à la mixité et au vivre ensemble ou au contraire des espaces inadaptés, ségrégués ou peu pratiqués. Il est nécessaire pour les acteurs de la ville (urbanistes, etc.) de connaître leur territoire d’intervention, tant dans leur dimension morphologique que dans leur dimension sociale. Les thématiques liées à l’espace public
font alors référence à l’aménagement de l’espace, à son partage et à la mobilité en son sein afin de promouvoir des espaces sécures et partagés par tous.