Diminution des nuisances
Les nuisances publiques et les incivilités sont en grande partie responsables du sentiment d’insécurité. Les nuisances peuvent prendre diverses formes et impliquer un grand nombre d’acteurs différents.
Nuisances publiques et incivilités
1° Introduction
Peu de professionnels distinguent les nuisances des incivilités. En réalité, le terme « nuisances » (défini en 2011 au sein de la note cadre de sécurité intégrale) est un terme général faisant appel à plusieurs champs d’action (sécurité, propreté, bruit, mobilité, santé, etc..), alors que les « incivilités » font référence à des infractions ou actes plus précis. C’est cette définition peu claire qui permet aux communes de fixer leurs priorités d’action dans la lutte contre les « nuisances » ou/et « incivilités».
Nous pouvons considérer que les nuisances publiques et les incivilités représentent les manquements aux règles tacites de comportement en société et sont responsables du sentiment d’insécurité car elles troublent le climat social. Elles peuvent être sonores, olfactives, visuelles ou verbales, il peut s’agir de dépôts clandestins, de déjections canines, d’urines sauvages, de tags, … Ce qui aujourd’hui fait référence, au niveau local, à ce que l’on peut nommer “nuisances écologiques et environnementales“.
Les actions de prévention en ce domaine cherchent à avoir un impact sur l’espace public, qui contient aussi bien des espaces favorables au partage, à la mixité et au vivre ensemble qu’au contraire des espaces inadaptés, ségrégués ou peu pratiqués. Pourtant, l’espace public en tant que patrimoine collectif, lieu de rencontre, de convivialité, de mixité d’usages et des publics ainsi que d’enrichissement culturel doit être valorisé et être un lieu où les gens se sentent à l’aise et en sécurité.
Les nuisances publiques et les incivilités peuvent donc prendre diverses formes et impliquer un grand nombre d’acteurs différents ayant des champs d’action différents. C’est pourquoi, une approche intégrale et surtout intégrée doit être promue via l’action “transversale”.
Les domaines législatifs principaux relatifs aux nuisances sont eux aussi variés, par exemple :
- Les actes législatifs en matière de SAC (sanctions administratives communales)
- 3/05/2019 : Projet de décret du Parlement Wallon, relatif à la délinquance environnementale
- Législation relative aux gardiens de la paix (par ex, la loi de 2007 relative à la création de la fonction de gardien de la paix)
- Idée de complémentarité entre les PGV (programmes des grandes villes) et les CSP (contrats de sécurité et de prévention)
Une question empirique pertinente se pose vis-à-vis des nuisances : “Comment assurer un climat serein sur l’espace public ? Question qui se comprend en deux temps :
- Comment pouvons-nous, en tant que ville, faire de la prévention utile lorsque des problèmes nouveaux/émergents surgissent dans les quartiers ?
- Quel rôle fédérateur peuvent prendre des métiers de terrain comme les gardiens de la paix ?
Les principaux enjeux identifiés dans l’élaboration d’une stratégie transversale de prévention des nuisances et des incivilités sont les suivants :
- Une grande partie de la population ne se soucie pas des incivilités/nuisances … les politiques anti-nuisances sont difficiles à canaliser (ex : pour la lutte contre les mictions dans la nature). Pourtant, les nuisances ont un impact réel sur le sentiment de sécurité.
- Une attention particulière doit être portée au problème de déplacement des nuisances (ex : la création de piétonniers)
- La gestion des nuisances la nuit est différente de celle du jour. Or la systématisation d’une mobilisation d’un grand nombre de personnes pendant la nuit est difficile.
- Un phénomène émergent : le protoxyde d’azote
Les défis identifiés sur le terrain afin de prévenir les nuisances et les incivilités sont les suivants :
- Besoin de travailler sur des actions qui influencent les comportements (montrer les ponts entre les comportements actuels et les comportements souhaités, encourager les habitants à adopter le comportement adéquat avec des statistiques à l’appui et des exemples concrets de bénéfices)
- Besoin de travailler en fonction des résultats des villes : prise en compte de la mise en œuvre opérationnelle et de la durabilité des résultats au cas par cas
- Besoin de développer un outil de police administrative en lien avec le règlement général de police (qui donne un cadre et des possibilités de réponses au niveau local)
- Besoin de formation du personnel de prévention afin entre autres d’insister sur l’ouverture d’esprit face aux pratiques innovantes (diminution des réactions négatives)
- Recommandation EFUS, Manifeste 2017 : besoin de renforcer les stratégies locales, issues d’un diagnostic partagé avec les partenaires pour prévenir de façon efficace les nuisances liées à l’abus de drogues
- Protoxyde d’azote : au sein d’une approche intégrale, besoin de développer une action préventive (communication, message autour des risques) à l’attention du jeune public (identifié comme public cible) afin de se détacher d’une politique répressive d’amende (consommation interdite dans les espaces publics de la Région de Bruxelles-Capitale). Et besoin de tenir compte du battage médiatique.
2° Présentation de pratiques prometteuses :
Les villes et communes belges développent leur propre politique locale de prévention, de sécurité et de cohésion sociale. En tant qu’organisation à but non lucratif au service des collectivités locales, BeFUS asbl facilite la coopération, le soutien et l’inspiration dans la lutte contre les phénomènes liés à la sécurité et le déploiement de méthodologies innovantes.
Parmi le nombre important de pratiques prometteuses qui ont été élaborées, encouragées ou promues par le BeFUS asbl depuis 25 ans, nous souhaitons en présenter certaines qui ont eu un rôle majeur dans la stratégie de prévention des nuisances et qui respectent les critères analytiques suivants : une méthodologie prometteuse, une approche transversale, une nécessité d’adaptation du cadre légal, un financement particulier, une évaluation et/ou une communication hors du commun.
Ces pratiques ont été mises en place avec l’objectif général d’améliorer le sentiment de sécurité et l’objectif particulier de travailler sur la propreté des espaces publics et le respect des environnements, de jour comme de nuit. Car l’usage de la ville change avec la nuit, les besoins et les attentes des citoyens ne sont pas les mêmes, les problématiques et les réponses possibles diffèrent, ce qui oblige à mieux organiser le vivre ensemble et à œuvrer pour une meilleure qualité de vie nocturne.
Le BeFUS, vecteur de transversalité, n’a cessé de promouvoir ce mode d’action. A titre d’exemple, nous retrouvons les pratiques suivantes :
- En 2004, le BeFUS créée un groupe de travail “nuisances” afin de réfléchir au projet de création d’un nouveau métier de la sécurité : le “manager de nuisances” ou “manager de la tranquillité publique” ainsi qu’au projet de loi contre les incivilités. Ce groupe de travail a notamment abouti à l’envoi d’un courrier aux ministres compétents (Ministre de l’Intérieur, des Grandes Villes, de la Justice) sur la position du BeFUS en la matière et de réaffirmer la nécessité de maintenir une approche intégrée localement, en tenant compte des dispositifs existants dans les villes et communes.
- En 2010 à Evere, rencontre des communes belges et françaises autour de la médiation nocturne et de la médiation d’espace public. Quatre villes ont partagé leurs modes d’organisation et des informations sur les nombreuses activités du “réseau des villes correspondants de nuit et de la médiation sociale”, ses ateliers, ses objectifs, et ses ambitions. Présentation des cinq axes d’intervention pratiques des travailleurs sociaux de nuit : présence rassurante, dissuasion/gestion des conflits /gestion des nuisances sonores/écoute, soutien, orientation, information/gestion de la maltraitance des personnes.
- En 2017, création d’une “Plateforme de la Vie Nocturne”, espace de réflexions et de propositions réunissant élus et techniciens des collectivités et de l’Etat concernés par la vie nocturne (organisations professionnelles, universitaires, experts et citoyens). Cette plateforme offre une approche transversale et experte à ses membres partenaires, afin de mieux comprendre ce qui se joue la nuit. La plateforme a été créée en collaboration entre la commune, les services de prévention et la police afin de trouver plus rapidement des solutions aux problèmes et éviter ainsi la répression. En 2019 est établie la “charte de la vie nocturne” (quartier Saint-Jacques à Bruxelles), en collaboration avec la région bruxelloise afin de concrétiser l’engagement à lutter contre la consommation excessive d’alcool, le tapage nocturne et toute forme de discrimination à l’encontre de la communauté homosexuelle. Elle sera appuyée d’un autocollant apposé aux fenêtres des signataires. La charte reprend également des conseils pratiques.
- En 2018, le projet UrbanSense (urinoirs et poubelles végétalisées) de la Ville de Malines propose une “Evaluation des déjections urinaires sauvages : une approche influençant les sens”. Malines propose également un projet d’œuvres d’art sur les murs où il y a beaucoup d’urine. Grâce à de grands autocollants représentant une paire d’yeux géants sur une porte, il est possible d’influencer le comportement en développant le sentiment d’être observé qui permet de décourager les auteurs de nuisances.
3° Conclusion
Le BeFUS asbl offre la possibilité de relever des défis sensibles/nouveaux/ reémergents et de s’appuyer sur l’expertise déjà acquise dans ce domaine. En 2019 les recommandations pour prévenir les nuisances et les incivilités étaient les suivantes :
- Besoin de sensibiliser aux risques des assuétudes et de la consommation excessive d’alcool et de stupéfiants et à la banalisation des nuisances qui y sont associées
- Besoin de sensibiliser et responsabiliser les usagers de la commune en vue de l’adoption de comportements civiques (influence des comportements)
- Rendre acteurs les citoyens dans la gestion et l’usage adéquat des espaces publics afin de favoriser les usages partagés dans le respect de chacun
Aujourd’hui, en 2021, afin que ces recommandations soient effectives, nous souhaitons insister sur la nécessité de soutien aux actions qui reposent sur des partenariats. Les services communaux de prévention sont mis en avant comme l’acteur pivot de la gestion partenariale des nuisances car ils sont un des partenaires tout désigné grâce à :
- Leur mode de fonctionnement inclusif et polyvalent
- Leur ancrage local qui facilite la dynamique participative et de proximité entre les acteurs et les institutions
Les principaux défis à relever à l’avenir afin de parvenir à développer un travail transversal et de collaboration autour de la prévention des incivilités sont :
- Le besoin d’une solution globale pour éviter de déplacer le problème des nuisances
- Le besoin d’instruments coconstruits de prévention des nuisances
- Le besoin de réfléchir à des campagnes à moindre coût (par ex: autocollant?)
- Le besoin de tenir compte des possibilités de l’urbanisme au sein des politiques de prévention relatives à l’aménagement de l’espace public (par exemple, le développement du sentiment d’être observé)
Durant la crise sanitaire, certaines villes (comme Mouscron et Ostende) ont pu constater qu’un travail en “réseau transversal” inhabituel s‘était mis en place. Ce travail a d’abord été motivé par la force des choses, l’urgence de la situation sanitaire mais surtout pour répondre au besoin de solidarité professionnelle vis-à-vis des conséquences de la pandémie sur l’espace public. Les travailleurs de rue, les gardiens de la paix, … ont travaillé ensemble pour les citoyens dans certaines tâches liées à la situation de crise (et donc détournées des tâches habituelles) (par ex: distribution des enveloppes avec les masques pour les citoyens) pour assurer un climat serein. Il est important de tenir compte de ces initiatives partenariales afin de se rendre compte des possibilités sous-estimées de travail en commun et de faire de la crise une opportunité pour les acteurs de la sécurité afin de développer des stratégies transversales.
Les nuisances publiques et les incivilités peuvent être sonores, olfactives, visuelles ou verbales. Elles représentent les manquements aux règles tacites de comportement en société. Elles sont responsables du sentiment d’insécurité car elles troublent le climat social. Il peut s’agir de dépôts clandestins, de déjections canines, d’urines sauvages, de tags, … Ce qui aujourd’hui fait référence, au niveau local, à ce que l’on peut nommer “nuisances écologiques et environnementales“.
Politiques relatives à la vie de nuit
La nuit, ses réalités (et les publics s’y afférant) diffèrent de celles du jour. La tenue de soirées festives, la problématique du tapage nocturne et les conséquences de l’itinérance de certains publics, sont autant de point d’attention à développer pour une gestion locale de la sécurité nocturne, impliquant une adaptation complexe des services publics locaux.
Prostitution et travail du sexe
La prostitution et le travail du sexe demande aux acteurs de la sécurité de tenir compte des différents publics concernés par cette problématique. Pour cela il s’agit aussi bien de développer un encadrement des travailleurs du sexe, un contrôle et un accompagnement des clients, que de promouvoir l’écoute des riverains et de leur proposer une médiation si nécessaire.
Toxicomanie
Les politiques de sécurité autour de la toxicomanie tiennent compte du traitement des plaintes des riverains quant aux nuisances liées aux consommations problématiques sur l’espace public, mais aussi de la gestion locale multi-services du trafic illégal et de ses conséquences.
Criminalité économique
Malgré que la criminalité financière et politique soit un thème difficilement appréhensible au niveau local, il semble indispensable de ne pas écarter de nos réflexions sur la sécurité, les différentesformes de fraudes, la criminalité dite ”en col blanc” et les éventuels crimes organisés qui en découlent.
Trafic d’armes
Malgré que le trafic d’armes ne soit pas un thème facilement préhensible au niveau local, il semble important de souligner l’existence d’un trafic d’armes et d’armes blanches en Belgique et de prévenir localement les dangers qui en découlent.
Nuisances liées au tourisme
Le tourisme est un facteur qui peut contribuer à l’essor de la santé socio-économique d’une commune, mais peut aussi entraîner de nombreuses nuisances et ce, autour de deux axes principaux : la gestion des espaces publics pour tous y compris pour les riverains qui peuvent se sentir privés ou exclus de leur usage en cas de présence massive et permanente de touristes, et la sécurité des
touristes sur le territoire local.