Victimisation et rehabilitation
La réhabilitation des auteurs et l’accompagnement des victimes constituent deux objectifs primordiaux de la justice restaurative. Cette forme de justice permet d’agir, parallèlement aux actions de prévention, contre la récidive et le sentiment de “victimisation”.
Réhabilitation des auteurs et gestion de la récidive
Le développement de la justice restaurative demande un accompagnement strict des auteurs judiciarisés afin d’éviter la récidive en développant une justice alternative basée sur la réparation du dommage, la conscientisation des auteurs et la médiation entre auteur et victime. Les auteurs non judiciarisés et les mineurs sont des publics qui nécessitent une attention particulière afin de leur
éviter toute entrée dans l’entonnoir pénal. Cette justice alternative permet également d’éviter au mieux le sentiment de victimisation des auteurs.
Aide aux victimes
L’accompagnement des victimes est essentiel. Il peut être réalisé en amont grâce aux pratiques de sensibilisation quant aux comportements à adopter sur l’espace public afin d’éviter de devenir victime. Une fois victime, il s’agit de développer un réel encadrement afin de leur éviter un sentiment de “double victimisation”, mais aussi de développer les politiques de gestion des situations de crise, où un grand nombre de victimes se retrouvent démunies.
Victimes de la nuit
La problématique des agressions sexuelles le soir mérite amplement d’être surveillée de près. La prévention, le contrôle de la situation et la prise en charge des victimes permettent de renforcer la tranquillité publique et de redorer l’image des institutions de nuit.
- Introduction
Le monde de la nuit offre la possibilité pour la population de se détendre et de faire la fête. Les comportements sont susceptibles de changer du fait de consommation d’alcool et de drogue. Les réactions des personnes festives sont dès lors fort différentes de celles rencontrées pendant la journée. La nuit désinhibe souvent les comportements. Durant la fin de l’année 2021, Bruxelles et sa population ont été témoins d’agressions sexuelles le soir dans certains établissements de nuit ou bars. Ces crimes étaient facilités par l’usage de drogues (GHB, MDMA, etc.) de la part des auteurs. Les victimes sont sorties de l’ombre, avec des mouvements comme #BalanceTonBar, pour dénoncer ces agissements et pointer du doigt de nombreux problèmes dans la réaction apportée. Trop souvent, la victime qui rapporte de tels faits est confrontée à bien peu de considération. Des questions sont posées sur la consommation d’alcool de la victime (était-elle saoule ou non ?), sur sa tenue, etc. Ces paroles mettent en avant une responsabilité de la victime, créant ainsi une double victimisation.
On comprend très vite pourquoi ce phénomène ne doit pas être pris à la légère. Premièrement, puisqu’il porte atteinte évidemment à l’intégrité physique et psychologique des personnes victimes de ces actes. Deuxièmement, ces évènements portent atteinte à la confiance que la population attribuait aux établissements de nuit et cela crée également un sentiment d’insécurité. Les activités de nuit représentent un marché économique important, marché qui dès lors se verrait restreint par ce sentiment d’insécurité qui parait être grandissant. Enfin, la confiance placée dans les autorités pour réagir et prendre en charge les victimes s’est également érodée ce qui pose, au sein de la population, des questions de légitimité.
Les atteintes sont donc multiples et diverses. Les enjeux comprennent des questions :
- De sécurité : comment mieux assurer la sécurité des consommateurs ? Quel travail de prévention effectuer ?
- Économiques : comment redorer le blason des établissements de nuit pour inciter les personnes à continuer de les fréquenter ?
- De légitimité : quel rôle les autorités locales peuvent-elles jouer pour endiguer efficacement les agressions sexuelles dans les bars ? Comment éviter les discours de double victimisation ?
- Pratiques prometteuses
Les autorités locales qui gèrent les établissements de nuit connaissent mieux la situation que d’autres autorités situées sur des échelons plus élevés. Le local semble le mieux placé pour prendre en charge la situation et promouvoir des pratiques efficaces pour endiguer ces pratiques. Les autorités locales sont plus proches du citoyen et peuvent donc promouvoir un certain type de pratiques plus efficacement.
Voici des exemples de pratiques pour lutter contre les agressions sexuelles :
- Les centres de prise en charge des violences sexuelles (CPVS) sont des centres spécialisés pour recevoir les victimes d’agressions sexuelles. Il en existe trois en Belgique actuellement. Ayant vu le jour il y a trois ans, ces centres proposent des services spécifiques pour prendre en charge la victime :
- Des soins médicaux
- Un examen médico-légal qui contribue notamment à la récolte de preuves utiles en cas de dépôt de plainte éventuelUn soutien psychologique pour écouter la victime avec la possibilité d’un suivi pour permettre à cette dernière de se reconstruire
- La possibilité de porter plainte auprès de la police qui fait le déplacement. Cela évite à la victime de se rendre dans un commissariat, qui correspond à une démarche lourde après un viol.
Force est de constater que ce service n’est pas préventif des violences sexuelles, et est surtout réactif, mais il est pourtant primordial. En effet, ce dont la victime a besoin est mis à sa disposition immédiate et un véritable suivi est créé. De plus, au-delà de cette mission principale qui est de prendre soin de la victime, des échantillons peuvent être récoltés (sperme, cheveux, tissu) dans un délai bref en fonction évidemment du moment où la victime consent à se rendre dans un CPVS. Ces preuves sont principalement des matériaux biologiques et disposent d’une durée de vie fort limitée. La promotion d’une prise en charge rapide est donc essentielle, ces éléments de preuve peuvent servir de base pour rechercher la vérité et prouver la culpabilité de l’auteur des faits.
- La ville de Malines compte mettre en place le programme du “Ask for Angela”. Lancé en Angleterre en 2016, le programme “Ask for Angela” permet aux personnes qui se sentent en danger, et qui n’ont personne vers qui se tourner, de demander Angela auprès des serveurs/serveuses, tenanciers, organisateurs, etc. Agissant comme un nom de code, ceux-ci comprennent que quelque chose ne va pas et peuvent prendre alors des mesures pour remédier à la situation. Ce programme requiert un minimum de mise en place, à savoir l’affichage de posters dans les toilettes de l’établissement permettant de prendre connaissance du code. Celui-ci peut évidemment varier. On peut très bien imaginer une commande d’un cocktail qui n’est pas affiché aux yeux de tous, etc. La réponse apportée peut tout aussi bien changer selon les établissements mais aussi en fonction de la situation. Faire sortir la personne discrètement, l’accompagner dehors et lui appeler un taxi.
- La ville de Bruxelles a également établi un plan d’action appelé “Rien sans mon consentement”1. Ce plan met en avant 77 mesures pouvant être utilisées pour lutter contre le harcèlement et les violences sexuelles. On peut retrouver à travers ce document des formations des agents de police pour les sensibiliser à la situation de la victime pour notamment éviter la double victimisation. Ce plan d’action travaille entre autres sur le développement d’un plan spécifique dit “nuit”.
- Des applications existent pour prévenir des actes attentatoires à la sécurité des personnes. La plupart du temps, la promotion de ces applications se fait à un niveau européen, mais envisager une promotion au niveau local reste une possibilité. L’application “RightsApp” permet notamment aux citoyens d’avoir un accès rapide au numéro d’urgence 112, un accès aux droits des victimes par l’utilisation d’un questionnaire et l’apport d’informations sur les centres d’aide aux victimes, entités, consulats, ambassades, etc. “App-Elles” constitue un autre exemple d’application permettant ici de lutter spécifiquement contre la violence basée sur le genre. Cette application s’axe sur trois branches : l’aide, le support et l’apport d’informations. L’aide est apportée à la victime à travers un réseau de personnes de confiance qu’elle construit, par la géolocalisation de son appareil et permet à la victime d’être entendue en temps réel. Le support est constitué d’un réseau de lignes téléphoniques professionnelles de crise pour les victimes et les témoins. L’apport d’informations représente des outils mis à la disposition du citoyen : cartes, conseils, sites, etc. Cette application constitue un bénéfice pour les autorités locales puisqu’elle permet, entre autres, d’augmenter la visibilité des services et programmes locaux, de centraliser les informations qui seront gérées par les administrateurs locaux et des coûts partagés de communication et pour la mise en place d’outils2. Enfin, l’application “Umay” sert à répertorier des lieux sécurisés pour les victimes de harcèlement de rue. Elle comprend un bouton d’alerte et une carte reprenant les lieux/abris pour les victimes3.
- Conclusion
Les actions de prévention en ce qui concerne la violence dans les établissements de nuit relèvent de la compétence du local. En effet, ce sont ces autorités qui connaissent le mieux les différents quartiers, établissements et parfois même les gérants. Elles sont donc les plus à même de mener des actions “chirurgicales”, en agissant avec une meilleure précision que ne le feraient d’autres autorités supralocales.
Les projets en la matière continuent d’être développés. L’EFUS a récemment publié un appel à projets4 pour prévenir et combattre la violence basée sur le genre ayant comme objectifs de « renforcer la capacité des autorités locales et régionales à détecter, prévenir et combattre la violence fondée sur le genre, en particulier la violence domestique […] ».
BeFUS, en tant que réseau de communes belges, souhaite mettre en partage les outils et les discussions sur cette matière pour arriver en finalité à la construction d’une boite à outils permettant de lutter efficacement contre ces violences. Ces agressions sexuelles gangrènent le sentiment de sécurité de la population et la confiance que celle-ci place dans les autorités à contenir la situation, il semble donc important d’apporter une réponse rapide et efficace.